Le village des damnés Aussi froid que la mort, aussi attirant qu'un cadavre mutilé, le village des damnés n'est en rien un lieu de repos. La vermine qui l'habite, à qui l'on doit également le nom de ces lieux sans âmes, est pourtant tout ce qu'il y a de plus humain. En apparence seulement... car on ne pourra en dire autant de leur esprit balafré par la folie. En vérité, ce petit village niché dans un recoin des plaines ravagées, n'est autre qu'un asile sans foi ni loi. Nulle frontière ne fait barrage entre le monde d'Astrune et ce gouffre putride, c'est pourquoi il arrive parfois que des aventuriers s'égarent, et que plus jamais nous ne reverront...
Esprit sain, esprit fou ; quelle différence ?
Le bourg des collines d'Umar, le charmant village de Freezis ainsi que la lumineuse cité de Nandis dissimulent tous en leur sein de sombres secrets. Des secrets si dérangeant que toutes personnes susceptibles d'êtres un peu trop informées de ces manigances, seront pour leur bien, passées par le fil de l'épée. Cette loi de l'ombre doit son existence au troisième gouverneur de Nandis. C'était un homme très éclectique, malheureusement... la période de son mandat ne fut guère la meilleure pour honorer cette vertu. Et pour cause, son prédécesseur avait laissé la ville en proie à la criminalité. Diverses guildes d'assassins runiques avaient vu le jour, les mendiants étaient plus nombreux que jamais, et aucune des suggestions que le gouverneur pouvaient recevoir n'étaient en mesure de résoudre le chaos qui s'était définitivement installé. Puis, telle la foudre, vint l'ère utopique orchestrée par la Déesse du Destin, Loominëi. Ce coup de pouce de la Destinée fut une aubaine pour Salnis, le gouverneur.
Une semaine aura suffit pour mettre sous les verrous les plus dangereux bandits, qui suite à l'emprise Divine de Loominëi, oublièrent qui ils étaient. Hélas, les geôles n'étaient en mesure d'accueillir tout le monde... alors que de son côté, Salnis refusaient à toute fin toute force leur exécution. Il disait que ça serait un sacrilège que de leur ôter la vie, puisque leurs méfaits ne pourraient en aucun cas être reproduit. Seulement, au fur et à mesure des semaines, les malfrats commencèrent à perdre la raison. Leur discours n'avait plus la moindre cohérence, au même titre que leurs actes. Cette période aujourd'hui oubliée sévit dans toutes les villes et villages du monde !
Les ministres du gouverneur eurent beau insister pour les faire exécuter, rien y faisait ! Salnis refusait catégoriquement d'enfiler la cagoule du bourreau, car telle était l'image qu'il se ferait de lui si jamais cette décision venait à être prise. Ainsi, plutôt que de tuer ces malheureux, il décida de les exiler ! Bien sûr, incapables de subvenir à leur propre besoin, les errants furent escortés par l'armée personnelle du gouverneur. Bon nombre d'entre eux périrent durant le voyage, non pas parce qu'ils étaient malades ou faibles, mais parce qu'ils mangeaient n'importe quoi... cela pouvait être des insectes, des carcasses d'animaux, des baies empoisonnées, des cailloux ou encore des excréments. À la suite de quoi, lorsqu'ils parvinrent à leur destination, c'est à dire bien loin de toutes les bourgades de l'époque, un village de pierre fut bâtit.
Il fallut près de deux ans pour l'achever, car chaque mois de nouveaux pensionnaires investissaient les lieux comme de la moisissure. Cela permit ainsi aux belles et grandes villes de retrouver leur douce parure, alors que peu à peu, Triste pierre sombrait dans l'oubli...
Triste pierre, le mythe...
Vingt ans plus tard, plus rien de matériel n'étaient en mesure de prouver l'existence de Triste pierre. Afin de préserver l'utopie, Salnis ainsi que tous les hauts dirigeants, décidèrent d'oublier ce qu'ils avaient ordonné. Ils poussèrent l'oubli jusqu'à son paroxysme en faisant venir à leur chevet des prêtres de la délivrance. Ces guerriers saints avaient le pouvoir d'effacer les souvenirs les plus profonds, et comme l'emprise de Loominëi recouvrait le monde d'Astrune tel un voile, seuls les mauvais furent dissipés. Tous les témoins subirent le même sort, exceptés les hommes qui avaient pour garde Triste pierre. D'ailleurs, ces derniers reçurent plus tard une missive des plus inquiétantes de la part d'une personne qui allait à son tour, être délivrée de ses funestes souvenirs.
- Citation :
- "Honorables pèlerins,
Votre foi va aujourd'hui et pour les jours futurs être mise à l'épreuve. Considérez dés à présent que de famille vous n'avez plus, et que de visite vous n'aurez plus. Pour le salut du plus grand nombre, vous devez vous aussi rejoindre les ténèbres de l'oubli. Le monde entier va vous oublier, et votre devoir sera de le préserver à n'importe quel prix.
Vous êtes les héros que nous ne seront jamais, car la vraie valeur d'un héros, c'est quand le monde entier ignore ce que ce dernier a fait pour lui. L'heure est maintenant venue pour moi de rejoindre les autres...
Mes salutations, maintenant et pour toujours.
Bornol."
Sous les écrits, un dessin représentant un pigeon transpercé d'un poignard faisait clairement comprendre à son lecteur qu'il était également de son devoir de tuer le volatile, afin que plus jamais la route menant à Triste pierre ne soit de nouveau parcourue.
L'oubli préservé !
Lorsque la fin de l'utopie sonna avec l'arrivée de la Déesse noire, Triste pierre changea radicalement de visage ! Les égarés qui jusqu'à alors ne faisaient que déambuler, manger et dormir... Retrouvèrent en un clin d'oeil la pulsion meurtrière de leurs ancêtres. Les fondateurs de la ville pensèrent à tort que les gens qu'ils y avaient enfermé seraient dans l'incapacité de se reproduire... et pourtant. Les gardiens de Triste pierre furent massacrés, ce qui fait qu'au jour d'aujourd'hui, le village des damnés est livré à lui-même !
La suite de cette histoire ne pourra hélas être écrite que par votre propre sang...