Soigneusement archivées dans l'arrière boutique d'un fanatique de sorcellerie, des pages froissées, marquées par le temps, attendaient le moment propices pour révéler leur secret. Ces vélins furent noircis par une main anonyme, aucune signature, aucune date... seules les épisodes d'une vie y ont trouvé refuge. Riche de ses lectures profanes, le teneur de l'échoppe pouvait affirmer deux choses ; de un il s'agissait d'une femme, et de deux, cette dernière était incontestablement une sorcière bien mystérieuse ! Il ignorait le pourquoi de tels écrits, mais le fait était là, et même si son espoir de mettre la main sur d'autres pages s'amenuisait un peu plus chaque année, l'ancêtre ne cédait point aux avances de l'abandon. Chaque jour il les relisait avec force et conviction comme si il s'agissait encore et toujours de la première fois. Dans son moi le plus profond, il espérait qu'en suivant chaque trait de caractère, qu'en décodant chaque phrase, il finirait par comprendre cette personne. C'est alors que, à la nuit tombante, de sa main tremblante prolongée par quatre doigts crochus, il se saisit de la première page, la seule qu'il eut personnellement trouvé.

¤ "La première page". Ce feuillet à bien deux histoires, celle qu'il a vécu, et celle qu'il narre. Le vieux fanatique trouva le papier roulé en boule, jauni par la saleté, logé dans la fente d'un écoulement fluvial asséché par le soleil de Pyros.


Le vieil homme restait convaincu que cette femme n'était pas aussi insensible qu'elle voulait y paraitre, mais sa différence dépassait la mesure.

Les deux pages qui suivent content avec doutes et détails, l'extraordinaire rencontre entre une femme à l'âme de glace, et une pieuse avec l'essence d'une sainte. À en croire ces lectures, même les opposés les plus extrêmes peuvent en venir à suivre le chemin de la vie main dans la main. La sorcière et la fidèle avaient du se trouver peu de temps après la rédaction de la première page, environ une semaine tout au plus.

¤ "La deuxième page". Déchirée en haut à gauche, cette feuille fut rapportée par un sans abri au vieil homme. L'ancien connaissait bien son affaire, et sans même débourser un Nitsed, il fit courir le bruit que tout individu lui rapportant un recueil abandonné, voir un feuillet, même déchiré, il saurait se montrer généreux.


¤ "La troisième page". Encore en très bon état, ce vélin fut rapporté au vieillard par un groupe d'enfants vivants dans les bas-quartiers. Ils l'auraient trouvé dans un interstice entre deux pavés non loin du bourg du pauvre.


Ainsi s'achève la rencontre. La page qui devrait suivre celle-ci n'a toujours pas été trouvée, ou rapportée...