[ ...suite de ~ICI~]

Sa nageoire caudale ondulait avec grâce, tandis que de son visage fermé, Shiven guettait le moindre écho télépathique qui serait à même de la conduire jusqu'à Ciryandil. Alors que dans un premier temps elle suivit les courants qui la mèneraient jusqu'au lieu du drame, la prêtresse changea brusquement de direction lorsqu'une intuition la guida jusque dans les soubassements de la cité. En vérité, ce quartier obscur et étroit était le berceau favori du guerrier. Souvent seul lors de ses entrainements à la dure, Shiven allait parfois l'y retrouver pour deviser. Emprunts d'une certaine allure, Imrinn et elle s'enfoncèrent dans les abimes, remontant ainsi l'histoire des premières Sirène. Sur les piliers subsistaient des gravures à la gloire de Dorock, toutes tracées par une conviction depuis longtemps disparue. Mais maintenant que l'annonce de l'Elue avait retenti, plus que jamais, la Divinité devra soutenir ses sujets. La sagesse du peuple érodée par des siècles d'attente, pour au final apprendre qu'une métisse allait les gouverner tous... Nul n'y était préparé, pas même les plus anciens. Pourtant, Shiven comprenait le choix de leur Dieu. Peut-être plus encore qu'elle ne l'imaginait.

-**Prenez garde au courant, les lames de fond sont fréquentes ici.** Susurra la jeune Sirène à l'esprit d'Imrinn.

Serpentant entre les différentes colonnes, Shiven finit par repérer l'éploré. Le visage de sa bien aimée reposant entre ses mains, il semblait lui témoigner tout son amour, comme s'il n'avait pu le faire de son vivant. C'était déchirant de le voir ainsi, mais malgré ce frein qui faisait pression sur son coeur, la jeune prêtresse s'annonça d'une voix pleinement compatissante.

-**Ciryandil... quelqu'un désire te voir.**

Etait-il nécessaire de préciser qui, en sachant qu'au premier regard toute sa rage se déchainera ? Secrètement, Shiven espérait ne pas avoir à intervenir, et vu son insignifiante carrure, encore moins s'interposer ! Mais elle était cependant prête à le faire si cela permettait à père et fils de s'expliquer. Tous deux avaient de grandes choses à accomplir, et ensemble ils pouvaient aller très loin, c'était son intime conviction. Hélas, la vérité d'une prêtresse n'était pas forcément la vérité de chacun...


Le masque mortuaire d'Esnyle avait remplacé les plus beaux souvenirs qu'il avait d'elle. Ses derniers instants n'avaient de cesse de marteler son esprit, et rien n'était à même de les faire disparaitre. Quand soudain ! la jeune voix de Shiven ébranla sa conscience. Qu'est-ce qu'elle venait faire ? ne pouvait-on pas simplement le laisser tranquille ?! Puis son regard finit par se détacher des traits figés d'Esnyle, et lorsqu'ils croisèrent la silhouette de son géniteur, un cri terrifiant submergea la tête des deux Sirènes ! Armé de sa lance, il fonça sur son daron plus vite qu'un banc de maquereaux fuyant un requin ! Et alors qu'il était sur le point de l'embrocher par là où il avait péché, le guerrier retint son geste. A la place, il lui administra un violent coup au visage avec la hampe de son arme. Bien que l'attaque fut justifiée et non létale, Shiven s'illustra comme elle s'était promise de le faire.

-**ARRÊTE !! S'écria t-elle les mains pressées contre ses tempes. En dehors de Syndil, il est la seul famille qui te reste. Je t'en prie, je t'en supplie ! écoute le...**

-**Pour entendre quoi, une énième plainte, une énième excuse, un énième silence ? Va ! Pars ! Disparais de ma vue, et ne reviens plus jamais ici !!** Répliqua le guerrier tout en retournant auprès de sa défunte épouse.

-**Vous n'aurez pas meilleure audience. Murmura l'écho de Shiven à l'attention d'Imrinn. Faites de votre mieux.**

Je connaissais désormais le lien entre Shiven et Ciry. Je n'avais pas tous les éléments de son aventure, résumée en une anecdote, mais je gardais bien en tête que cette dernière favoriserait probablement mon fils, son sauveur. Sa reconnaissance était telle qu'elle le considérait comme un héros, ce qui était sans doute mérité et cela me remplit de fierté, mais aussi d'étonnements. J'avais cru comprendre qu'il avait arrêté totalement d'aller à la surface depuis que... j'étais incapable de me rappeler depuis quand exactement mais j'aurais dit à partir du moment où j'avais étendue la durée de mes nombreuses absences, jusqu'à ce que j'estime qu'il était assez grand et fort, de ne plus avoir besoin du tout de son père, pour me sentir permis de ne plus revenir régulièrement... Savoir que Syndil était sa fille me fit comme ressentir un coup de massue. La culpabilité m'étrangla de nouveau. Je pris de nouveau conscience de ce que j'avais raté : sa probable union avec celle qu'il avait perdu et la naissance de ma petite-fille. Bien sûr je me doutais bien qu'il fonderait un jour sa propre famille mais je ne me doutais pas que je me sentirais un jour autant concerné par son foyer dans lequel je ne m'y étais jamais vu le partager. L'absence de mon géniteur ne m'avait fait ni chaud ni froid, je ne voyais pas pourquoi cela aurait été différent pour mon enfant, surtout qu'il était presque adulte.

Ce fût silencieux que je suivis Shiven hors de son alcôve, à vrai dire, je ne faisais aucunement attention de là où elle m'emmenait. Elle aurait pu me faire tomber si facilement dans un traquenard... Mon cœur était tourmenté entre mes deux lignées. Je ne pensais qu'à Elwing jusque là mais, et Syndil ? Était-ce aussi mon rôle de m'en soucier ? Le changement brusque de direction de mon guide faillit me la faire heurter, ce qui me permit de me remettre dans le présent. Nous passâmes par un trajet très ancien à peu près connu de tous, en tout cas par ceux attachés à l'histoire, au passé. J'y avais passé de long moment plus jeune, à étudier chaque colonne et à mon tour, je les avait fait découvrir rapidement à mon fils.

On finit par trouver Ciry, endeuillé auprès de sa défunte compagne. Bouleversé par son expression, j'étais prêt à rebrousser chemin discrètement mais Shiven nous annonçait... Clairement, je n'aurais pas dû venir... Ma présence lui déclencha une fureur. Rapide, il s'arma de sa lance avant de s'élancer vers moi, mon instinct m'indiqua qu'il était résolu à m'embrocher en bas-là ! Je n'avais nullement envie d'être émasculé mais me sentant coupable je n'eus pas l'envie d'esquiver. Il bifurqua finalement au tout dernier moment, pour me procurer à la place une belle mandale avec son manche, manquant de décrocher ma mâchoire. La main sur la zone endolorie, j'analysais les dégâts tandis que Shiven tentait de le calmer. J'avais le goût du fer mais rien de plus grave. Je m'avançai prudemment vers Ciry.

** Je viens quérir une faveur **lui dis-je calmement. Je décidai d'aller droit au but. Il avait été clair, je le prenais donc au mot : pas de plaintes, pas d'excuses, pas de silences. ** J'ai bien conscience que ce n'est normalement pas le moment de te déranger mais Shiven pense que tu serais en mesure de nous aider **. Je regardais cette dernière, cherchant à savoir si elle souhaitait intervenir pour la laisser faire le cas échéant. J'espérais que la citer, lui montrer qu'elle veuille me soutenir pique sa curiosité.  ** Je ne t'ai pas aperçu lors du discours d'Amriel mais tu as sans doute été mis au courant, elle nous a révélé que l'Élue était Elwing. Une Haliade.** Je m'assurai avant de continuer qu'il comprenait où j'allais en venir, non sans crainte qu'il devine aisément les dessous de cette dernière information... ** Je sais où elle est, et je voudrais lui venir en aide. Es tu d'accord pour lui porter secours ? **. S'il s'en doutait, je préférai ne pas lui révéler que cette dernière était sa demi-sœur, de peur qu'il ne rejette ma requête. Le cœur serré, je me demandai comment il allait réagir. En attendant, je regardai avec tristesse sa bien-aimée sans vie, pensant également à Syndil.

Tassée au pied de la plus proche colonne, la silhouette floutée par les courants insidieux qui rythmaient les abysses, Shiven se laissa surprendre par l'approche d'Imrinn pour aborder son fils endeuillé. Sans chercher à instaurer quelconque dialogue, le géniteur de l'Élue formula ses attentes par le plus étroit des raccourcis ! Sachant l'affection qu'elle entretenait pour son héros, la prêtresse de Shiva s'abstint de tout élan interventionniste susceptible de les mener dans une impasse. Une sagesse qui exigea d'elle de nombreux efforts, car même si la race des Sirènes n'était point reconnue pour son empathie, il demeurait difficile de faire preuve d'indifférence en pareille circonstance. Bien sûr, ignorant tout du fonctionnement social entre ces deux là, Shiven se laissa aller à la réflexion : -*C'est sans doute leur façon à eux de communiquer. Parler sans détour, sans faux semblant.* Elle ne put toutefois s'empêcher de moufter. *Mais tout de même... ne pas faire la moindre allusion à Syndil, que seule Elwing importe. Je ne puis m'empêcher de trouver que cela transpire de maladresse.* La jeune Sirène aurait parfaitement accepté sa méprise, si le regard de Ciryandil n'avait point trahi ses intentions !


Accolé à sa défunte moitié, l'être brisé qui avait pour seule berceuse les attentes d'un père complètement détaché de la réalité, fut incapable de se contenir plus longtemps. Les poings serrés, les dents grinçantes, le guerrier se releva, abandonnant ainsi le corps de sa femme aux lames de fond. Ne se détournant point de sa nouvelle trajectoire en dépit des ténèbres qui engloutissaient le seul roc de sa vie, le pire était à prévoir !

-**JE SAIS COMMENT RETROUVER SYNDIL** S'écria tout-à-coup Shiven.

-**Dans ses entrailles surement.** Rétorqua posément Ciryandil, le regard toujours figé dans celui de sa future victime.

Il fallait agir vite et bien, et la prêtresse pouvait remercier Shiva pour son soudain éclair de génie ! L'espace d'un instant, la jeune Sirène avait saisi le problème dans son ensemble. Imrinn s'y prenait certes comme un manche, mais il eut raison sur le fait de demander son concours à son fils. Surtout si lui-même pouvait aider en contrepartie !

-**NON ! Là ce serait la fin pour elle !** Insista t-elle.

Le pugilat entre père et fils n'aura finalement pas lieu, car brusquement, Shiven devint la victime d'un courroux bien trop grand pour être contenu. Saisie au bras et à la gorge, puis sauvagement plaquée contre le pilier qui se trouvait derrière elle, Ciryandil demandait réparation !

-**Tu traines ce nématode jusqu'ici, l'assiste de ses démarches, et tu oses prononcer le nom de ma fille ?!!**

De sa main libre, Shiven suppliait à Imrinn de ne pas intervenir. -**Oui... car il reste ton père, et...** Sentant ses cervicales craquées sous la poigne de son sauveur, la jeune Sirène abrégea. **Il peut... sauver ta fille !** Constatant que ses yeux ne cherchaient guère à l'abuser, le guerrier desserra son étreinte. Au moins pour avoir voix au chapitre concernant la conclusion qui la mena à cette curieuse réflexion. **Imrinn a un don tout à fait singulier, il peut faire céder Ashana.**

-**Tu veux vraiment que je me suicide en vérité ?!!!**

-**J'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais Imrinn est capable d'énerver n'importe qui au point de lui faire oublier ses principes les plus fondamentaux ! Ashana ayant traité avec l'ennemi qui a enlevé Syndil, doit forcément savoir où il se terre. Imrinn pourrait, en la faisant sortir de ses gonds, obtenir toutes les informations qui nous permettraient de la retrouver.**

-**Tu l'as entendu tout comme moi, ce gros lâche n'a d'écailles que pour son Haliade !**

-**S'il veut ton aide, c'est toi qui a la main.**

Imrinn était parvenu, sans le savoir, ou même le vouloir, à faire oublier à Ciryandil femme et chagrin. Ashana étant beaucoup plus soupe au lait, qui sait ce qu'il serait capable de lui faire avouer ? Bien sûr, les échanges entre le guerrier et Shiven demeurèrent mutiques à l'esprit de l'Inquisiteur. Il devra donc composer avec cet ultimatum :

-**Si tu contribues majoritairement à la délivrance de ma fille, alors je reconsidérerai la question d'Elwing !**

Ne souhaitant guère faire perdre à Imrinn un temps précieux pour sauver l'Élue de tout un peuple, et donc broder sa collaboration avec son fils autour de quiproquos. Shiven opta pour le mettre dans la confidence.

-**J'ai conscience des concessions qui vous sont exigées, mais c'est aussi votre seule chance de renouer. Ce crochet ne vous demande rien de moins qu'une revanche sur Ashana, pour en bout de course, faire la connaissance avec votre petite fille. Si l'on si prend bien, on peut faire ça vite !**

Ma tirade terminée, il ne me fut pas difficile de comprendre rapidement que j'avais loupé mon approche... L'expression et la réaction de mon fils étaient sans équivoque, j'avais encore gâché une énième entrevue... Il me semblait pourtant avoir été prudent et neutre dans mes mots, qu'est ce que j'avais bien pu louper ? Son regard... Une nouvelle fois il n'avait pas juste l'intention de simplement me cogner... Reculant, adoptant une position défensive, les mains levées pour montrer que je ne désirais pas me battre, j'accueilli avec soulagement la probable intervention de Shiven qui freina l'aura meurtrière Ciry. Ou pas. Son ire se redirigeait à présent sur elle. Je ne savais pas ce que la prêtresse essayait de faire et avait dit mais le résultat était le suivant, elle nageait en eaux troubles...

Je regardai impuissant mon enfant la plaquer contre le pilier, broyant sa nuque. ** Ciry...** murmurai je en m'avançant, prêt à me donner pour qu'il la relâche, mais je m'interrompis. Elle m'indiquait de ne pas intervenir mais je sentais la panique m'envahir, si cela tournait mal je ne serais pas assez véloce pour la protéger. Nerveux j'oscillais légèrement d'un côté à un autre, attendant un quelconque verdict ou issue tragique. Je regardai enfin avec soulagement mon fils desserrer son étreinte puis la libérer.

Son ultimatum m'éclaira sur quelques points. Tandis que Shiven m'apportait des précisions, je fis les liens avec l'altercation entre eux. Elle s'était permise d'évoquer le prénom de Syndil, sujet qui m'avait semblé beaucoup trop sensible voire tabou pour que j'ose l'énoncer juste auparavant. Et elle, elle s'était risquée à marchander une délivrance ? Sauver sa fille, c'était cela qu'il désirait entendre ? Mais je ne voyais pas en quoi je pouvais l'aider.

- **... D'accord ?... ** finis je par répondre sans savoir à quoi je m'engageais concrètement, les regardant interrogateur. ** Vous... avez déjà une idée de par où commencer ?...**

Shiven avait cité Ashana, c'était effectivement un bon début si on arrivait à lui sortir les parasites des écailles. C'était une bornée, j'étais censé faire quoi ?La convaincre ?  La torturer  ? Je n'étais pas du tout convaincu de la tournure des évènements, "On peut faire ça vite !" elle était sérieuse quand elle disait cela ?, cela allait nous prendre des siècles pour la faire parler... Je n'avais pas de meilleure contre proposition cependant, je les suivis, soucieux et interrogateur. Dans quoi je m'étais embarqué ?

En tant qu'instigatrice, Shiven fut naturellement placée en tête de peloton par le père et le fils, lui conférant d'office la position de guide. Submergés par bien des tumultes, tous deux se lancèrent dans le sillage de la prêtresse, sans penser à demain. En dépit de l'obscurité étouffante des abysses, sa queue brillait d'un bleu chatoyant, dont chacun des battements libérait une myriade de particules phosphorescentes, illuminant ainsi les profondeurs. Au gré des oscillations bioluminescentes qui pailletaient sa course, Imrinn se voyait de plus en plus submergé par le doute qui, lentement mais sûrement, l'assaillait. Même s'il réussissait à arracher des aveux à Ashana, comment pourraient-ils sauver Syndil ? Quant à Elwing, était-elle seulement encore en vie ? Les problèmes ne cessaient de s'accumuler, et à ce stade critique, le chacun pour soi devenait, à bien des égards, la solution la plus raisonnable. L'Ondin avait des responsabilités des deux côtés, mais sa nouvelle famille occupait désormais la place la plus précieuse en son cœur. Alors que faire ? Tandis que divers scénarios se succédaient dans son esprit, ses réflexions furent brutalement interrompues par l'arrêt soudain de Shiven.


Avant que la douleur ne la paralyse, de curieuses images subliminales parasitèrent sa vision : une main, un oeil, des lèvres, un sourire... Puis, une sensation atroce naquit dans ses entrailles, semblable à un appendice cherchant à s'échapper. Le mal remonta jusqu'à sa gorge, avant de submerger son esprit dans une sinistre symphonie de cris et de lamentations. La souffrance, ayant planté ses griffes froides et difformes dans le voile paisible de son âme, déchaîna le corps souple et gracieux de Shiven, dans une série de contorsions aux frontières de l'horrifique. Les convulsions furent si violentes que la Sirène, en se mordant férocement la langue, laissa s'échapper un filet de sang d'entre ses lèvres frémissantes. Sous les yeux impuissants d'Imrinn et Ciryandil, la crise gagna en force. Les bras désormais croisés, les paumes fermement plaquées contre ses aisselles, la prêtresse tremblait avec une telle intensité qu'elle semblait parcourue par une décharge électrique, tant ses secousses étaient vives et ininterrompues. Une fine pellicule de givre vint redessiner les contours de sa silhouette, tandis qu'une lueur d’un bleu glacial irradiait de ses paupières plissées, émanant comme un éclat surnaturel. Soudain, Shiven se figea, et une épaisse couche de glace vint napper les parois environnantes. Ses yeux s'ouvrirent brusquement, révélant deux joyaux éclatants qui avaient supplanté son regard turquoise.

Raide, la prêtresse resta ainsi quelques instants, avant de tomber mollement, entraînée par les abysses. Ciryandil en profita alors pour se saisir d'elle, et fut surpris par la morsure du froid au moment où ses mains effleurèrent ses écailles. Une sensation bien différente des températures glaciales des profondeurs, celles-ci laissant d'ordinaire les Sirènes indifférentes à la froidure des ténèbres. Bien qu'intrigué par ces gerbes étranges qui traversaient son derme pour cristalliser son sang, Ciryandil encadra le visage assoupi de Shiven entre ses doigts, puis le secoua légèrement. À son toucher, la prêtresse tressaillit, puis s'éveilla doucement, comme après une longue hibernation.

-**Ca va aller, tenta t-elle de le rassurer. Il faut continuer !**

Mais le guerrier n'était pas tranquille. Une crise d'une telle intensité ne survenait pas sans raison ! Bien qu'il fût pressé de sauver sa petite Syndil, seul un être insensible pourrait ignorer cette troublante manifestation. Usant et abusant d'astuces rhétoriques, Ciryandil parvint à lui extirper quelques informations. Selon ses dires, la prêtresse aurait été la cible d'un phénomène d'ordre Divin. Puis, après une pause, elle ajouta d'une voix nonchalante : "Tant que cela ne te concerne pas, je n'ai pas de raison de t'en dévoiler davantage." Shiven dissimulait parfaitement sa peur, et alors que la nage reprenait à grand coup de nageoire, des souvenirs enfouis commencèrent à affluer. Ses voix qui résonnent entre ses oreilles, Salyndra qui peste, Alessa qui fuit, la colère qui monte. Apparait alors un trident, arme que convoite Salyndra. Shiven assiste à toute la scène depuis une distance raisonnable, tandis qu'en son sein se succèdent cris et injures. Parallèlement, Nyuulie se dresse contre l'orgueil de Salyndra, une conviction qui la pousse à faire appel à la modeste Shiven en vue d'y mettre fin. Celle-ci libère alors une puissante tempête de glace, le genre d'intempérie capable de solidifier les profondeurs marines. Un chaos indescriptible qui privait la jeune Sirène de toute pensée cohérente.

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